Aujourd’hui, je vais voir mon meilleur ami. Ça a toujours bien collé entre nous, pas de prise de tête, on rigole bien. Enfin on rigolait bien… Jusqu’ici, je n’arrive plus trop à rire en ce moment.

On avait bien commencé tous les deux : rencontrés à une séance de dédicaces, on s’est retrouvés un peu plus tard… au lit. Et on a continué comme ça, en se voyant parfois, mais en restant surtout bons amis avec certains avantages. Et j’ai rencontré Josh et tout s’est arrêté. Notre amitié s’est fortifiée, parce qu’il est devenu mon confident pour mes problèmes de cœur. Et maintenant, je vais lui parler de mon dernier problème en date. Il faut bien le faire, même si je n’aime pas en parler, tant que je ne sais pas ce que je vais en faire. Diego a été un soutien quand j’ai appris pour mon défunt mari.

Donc évidemment, pour une fois, j’essaye de me préparer un peu. Histoire de ne pas sortir encore avec un T-shirt tout simple et mon vieux jean. J’hésite entre mettre une de mes robes, mais ça ne correspond pas vraiment avec mon humeur. Il n’y a que la robe que j’avais pour l’enterrement de… Enfin j’ai promis que j’allais abandonner l’image de la veuve éplorée donc un beau jean avec un haut, ça ira aussi. Ce n’est pas comme si j’étais obligée de mettre de la couleur, après tout. Des bottines et une dernière caresse à Buddy et je me mets en route.
En chemin, je repense aux autres fois où j’allais voir Diego et où je devais rassurer Josh, parce qu’il était toujours jaloux de notre relation. Même sans trop savoir jusqu’où on avait été, il semblait le sentir. J’adorais ça et je me disais que c’était notre façon à nous de se dire : « Je t’aime. »
Mes yeux s’embuent alors de larmes et j’essaie de les retenir, mais une larme coule tout de même et je fais une pause. Je ne veux pas qu’on puisse voir une seule trace de tristesse sur mon visage que j’arriverai chez lui. Surtout que je ne suis vraiment pas loin…

Il n’est plus vraiment l’heure qu’on avait convenue, je suis en retard à cause de mes humeurs… Enfin quand je lui aurais dit que je suis enceinte, il mettra sûrement mes larmes sur le compte de mes hormones.

Je ne sais pas pourquoi je suis si mal. Je ne fais que passer par un chemin, après tout. Un chemin que j’empruntais avec mon mari, mais je ne vais pas déménager juste pour ne pas pleurer. Je ne suis pas censée pleurer à chaque fois que je vais à un endroit où j’allais avec lui… Et qu’est-ce que ce serait à la maison sinon ?

J’essaie de me ressaisir en bas de son immeuble, je ne veux pas qu’il me voit en pleurs, ainsi. Ou plutôt les yeux bouffis et les joues striées par mes larmes. Enfin je n’en suis pas encore à ce stade, j’ai plus ou moins réussi à me canaliser. Je respire profondément quelques fois et me dis que je dois être tout sourire pour profiter de sa cuisine, comme je le fais habituellement. Ça fait quelques mois que Josh est mort, je dois être passée à autre chose logiquement.
Je le vois sortir de l’immeuble et m’interroge. Est-ce qu’il m’a vu attendre en bas ? C’est vrai que je suis en retard et il a dû se demander ce que je faisais ; c’est peut-être un concours de circonstances qui fait qu’on se retrouve tous les deux, là. En attendant, dans sa belle chemise noire, je le vois s’approcher avec un air désolé sur le visage. Il sait que j’ai pleuré. C’est l’avantage avec Diego, je n’ai pas besoin de dire certaines choses pour qu’il les sache ; et inversement, même si c’est plus rare… surtout ces temps-ci. Je me retrouve alors dans ses bras et me sens un peu mieux, quand il me parle doucement. Je le suis alors jusque chez lui, passant enfin la porte d’entrée de son immeuble.

« Merci Diego… Je suis désolée pour le retard. »

Je me doute que s’il avait voulu me reprocher mon retard, il l’aurait fait avant, plutôt que de me rassurer. Seulement, je ne peux m’empêcher de penser à ce retard causé par mes pleurs… J’essaie alors de lui sourire, le temps qu’on arrive dans son appartement, mais je ne sais pas ce que le résultat donne. Quand est-ce que je vais bien pouvoir lui annoncer la « bonne » nouvelle, si je n’arrive déjà pas à lui parler comme on le fait d’habitude ?